Actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical : reconnaître et mettre fin à des violences longtemps ignorées
Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes remet, ce vendredi 29 juin, son rapport « Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical : des remarques aux violences, la nécessité de reconnaitre, prévenir et condamner le sexisme », à Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes.
Dans les 24 heures qui ont suivi le lancement sur Twitter du hashtag #PayeTonUtérus en novembre 2014, plus de 7000 femmes ont dénoncé des propos porteurs d’injonction sur leur poids ou leur sexualité, sur leur volonté ou non d’avoir un enfant, des examens vaginaux brutaux ou des actes pratiqués sans leur consentement, jusqu’à des violences sexuelles. Depuis, les prises de parole de femmes se multiplient concernant les violences gynécologiques et obstétricales, terme mobilisé depuis près d’une vingtaine d’années en Amérique latine et dans le monde anglo-saxon, pour désigner les actes sexistes les plus graves commis lors du suivi gynécologique et obstétrical.
Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical sont des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un.e ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente au cours du suivi gynécologique et obstétrical et qui s’inscrivent dans l’histoire de la médecine gynécologique et obstétricale, traversée par la volonté de contrôler le corps des femmes (sexualité et capacité à enfanter). Ils peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves et sont le fait de soignant.e.s – de toutes spécialités – femmes et hommes, qui n’ont pas nécessairement l’intention d’être maltraitant.e.s.
Bien que, à l’évidence, tou.te.s les professionnel.le.s de santé ne soient pas auteurs d’actes sexistes, les chiffres attestent d’un phénomène relativement répandu dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes :
• 1 accouchement sur 5 donne lieu à une épisiotomie : 1 femme sur 2 sur laquelle une épisiotomie a été réalisée déplore un manque ou l’absence totale d’explication sur le motif de l’épisiotomie ;
• Les taux d’épisiotomie – toutes grossesses confondues – sont très variables d’une maternité à l’autre : de 0,3 % (dans telle maternité de type 3 – accueillant les grossesses pathologiques et à grands risques) à 45 % (dans telle maternité de type 1 – accueillant des grossesses normales ou à bas risque) ;
• 6% des femmes se déclarent « pas du tout » ou « plutôt pas » satisfaites du suivi de leur grossesse ou de leur accouchement, ce qui représente environ 50 000 femmes pour l’année 2016 ;
• 3,4% des plaintes déposées auprès des instances disciplinaires de l’Ordre des médecins en 2016 concernent des agressions sexuelles et des viols commis par des médecins.
Ces prises en charge inadaptées peuvent s’expliquer par :
– la multiplicité d’occasions en comparaison avec d’autres suivis médicaux (une femme aura en moyenne 50 consultations gynécologiques et obstétricales au cours de sa vie) ;
– l’insuffisante prise en compte du caractère particulièrement intime de ces consultations ;
– le sexisme encore très prégnant dans le secteur médical : 86% des internes en médecine (95% des femmes et 68% des hommes) déclarent avoir été exposé.e.s à du sexisme ;
– l’histoire de la gynécologie médicale, marquée, à l’origine de la spécialité, par la volonté de contrôler le corps des femmes (sexualité et capacité à enfanter) ;
– le manque de moyens humains et financiers alloués au secteur de la santé, et en particulier dans les maternités.
Or, en dépit d’une assez forte prévalence, les actes sexistes sont largement ignorés : les droits et les procédures de signalement sont méconnus des patientes et les procédures disciplinaires inadaptées.
Pour faire du suivi gynécologique et obstétrical des femmes un parcours qui n’entrave ni leurs droits, ni leur autonomie, le Haut Conseil à l’Egalité formule dans son rapport 26 recommandations, articulées autour de 3 axes :
• reconnaître les faits, c’est-à-dire l’existence et l’ampleur des actes sexistes dans le suivi gynécologique et obstétrical ;
• prévenir les actes sexistes, via la formation des professionnel.le.s de santé, l’inscription de l’interdiction des actes sexistes dans le code de déontologie médicale, et la mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques existantes ;
• faciliter les procédures de signalement et condamner sans détour les pratiques sanctionnées par la loi, via l’information des femmes sur leurs droits, l’implication des ordres professionnels et la formation des personnels en contact avec les femmes.